boulevard du néant
« Il n’y a que dans les films que l’on se tire une balle soi-même et pas souvent les meilleurs », entend-on dans le dernier tiers de Mascarade. Et c’est peut-être ici que se joue la grande désillusion du quatrième long-métrage de Nicolas Bedos : cette capacité du réalisateur à avoir conscience de ses propres défauts sans être en mesure de les éviter, les supprimer, de s’en débarrasser. Car oui, au fil du récit, on sent l’amour que porte Nicolas Bedos pour cette histoire, et on peut le comprendre, il l’a dit lui-même, c’est un peu la sienne. Et forcément, dans ces cas là, difficile de faire un choix, par peur de trahir son propre amour, son propre souvenir, ses propres regrets.
Sauf que lorsqu’un twist final attendu depuis près de 2h révèle les véritables tenants et aboutissants de l’ouverture où un François Cluzet énervé semblait tirer sur une Marine Vacth sous le choc, personne n’est dupe. Les plus malins l’avaient vite compris : ce que Bedos avait montré aux spectateurs n’était qu’une mascarade, d’où le titre évidemment. Et alors, à l’image des films qu’il dénonce, Mascarade ne peut s’empêcher de commettre les mêmes frasques et de plonger dans un artifice mal venu.
S’il est donc à des années-lumière des débuts très réussis de son metteur en scène avec le superbe La Belle époque et le très apprécié Monsieur & Madame Adelman, ce Mascarade est surtout très loin d’être un bon film. Pourtant, les intentions de Nicolas Bedos étaient plus que louables, voire prometteuses. Désireux de raconter une partie de sa vie de jeune adulte en adaptant un de ses propres bouquins jamais publiés, le cinéaste avait l’occasion de se livrer dans un geste de cinéma hommage extrêmement référencé. Les influences sont en effet assez limpides devant Mascarade, entre les arnaques, les trahisons, les crimes, la passion… il invoque tour à tour Alfred Hitchcock, Douglas Sirk et surtout l’immense Billy Wilder.
Dans les premiers instants du long-métrage, on se voit d’ailleurs déjà revivre une sorte de mix entre la chute d’une gloire d’antan à la Boulevard du crépuscule lorsqu’Isabelle Adjani s’effondre dans une piscine, l’arnaque rondement menée de Assurance sur la mort avec le duo Niney-Vacth et le procès de Témoin à charge avec les multiples témoignages qui suivent l’ouverture du film. Autant dire que Mascarade s’annonçait à la fois drôle et noire, Bedos continuant à s’amuser des faux-semblants du cinéma et de la sincérité des sentiments.
« Cache moi les yeux, je ne veux pas lire cette critique de merde »
under the french riviera
Un beau projet sur le papier qui va, malheureusement, rapidement tourner à vide. Parce qu’une fois les pions disposés et cette séduisante intrigue lancée, Mascarade ne parvient jamais à captiver. En jonglant incessamment entre ses personnages et en accumulant les allers-retours dans le temps (flashbacks, présent, flashforwards…), le récit croule sous le poids de sa propre narration et manque cruellement d’énergie. Incapable de choisir entre son désir de critiquer les riches privilégiés, les jeunes pauvres hypocrites ou simplement le cadre bourgeois de la Côte d’Azur, Nicolas Bedos égratigne tout le monde et donc personne.
Difficile d’ailleurs de savoir devant Mascarade qui l’on est censé aimer, apprécier, vouloir voir gagner… puisque les personnages jouissent à la fois de moments de gloires où la caméra les fait briller, avant qu’elle nous les rende absolument antipathiques (ou inversement) au coeur d’une structure franchement incompréhensible.
Heureusement, il y a Marine Vacth…
Mascarade s’engloutit alors lui-même, submergé par sa surabondance de rebondissements, étouffé par ses dialogues vulgaires, noyé par son interminable durée, asphyxié par son cynisme immodéré, voire gêné par le surjeu de la plupart de ses interprètes (exception faite de Marine Vacth, toujours aussi excellente, même si elle est affublée d’un accent anglais qui n’apporte pas grand-chose à l’histoire… les faux-semblants, tout ça tout ça). Pire, rien ne semble véritablement à sa place, tant dans les choix artistiques faussement inventifs de Bedos que les desseins finaux de son récit.
Car si la critique des bourgeois sonne étrangement faux, ce sont véritablement les derniers instants et la pseudo morale féministe du métrage qui vient ternir le plus l’ensemble. Vu son désir connu pour les femmes, difficile de douter des intentions de Bedos, sans doute sincèrement persuadé de déclarer son amour aux femmes libres lorsqu’il fait dire à Marine Vacth dans le final : « Aucun mec ne peut me faire chier ». Mais avec sa maladresse habituelle, le cinéaste aura presque montré le contraire tout au long du film en objectifiant ses (anti-)héroïnes en permanence, faisant d’elles à la fois des victimes et des ordures, des potiches et des trophées. Bref, compliqué.
Manifestement un film en forme de défi, pas facile à faire aboutir ? – ratiboisé de 13 minutes après son passage à Cannes, ce qui n’était pas encore suffisant peut-être…
Car il ne pouvait y avoir qu’une incompréhension entre le comique acide d’un Bedos, fils de son père, identifié comme tel par l’ensemble du public connaisseur… et un sujet qui semblait se présenter comme une charge östlundienne contre les riches hypocrites, mais qui aurait pû être plus dynamique.
Mauvaises extrapolations analytiques que voilà, Nicolas Bedos ne se risque pas à ce type d’exercice satirique pouvant facilement flirter avec de la fumisterie arty (pour les spectateurs, pas pour les personnages).
En fait, l’ironie est surtout dans le titre du film, qui ne correspond pas du tout à ce qu’on voit : car « Mascarade » est un film qui évolue à visage découvert, ne cache pas vraiment ses tenants et aboutissants.
Sur cette grande pièce de théâtre niçoise (qui comporte elle-même ses propres scènes théâtrales – dont une cour de justice), les masques sont bel et bien révélateurs, les menteurs et parjures suprêmes surpassent tous les petits joueurs, et la règle qu’avait jadis établi Jean Renoir n’a pas changé.
–
Mais même en citant Somerset Maugham, ce n’est donc pas d’une opposition entre riches et pauvres, vieux et jeunes, dont on parle ici… Puisque Bedos continue à explorer son thème de prédilection, la lâcheté masculine. Et nous raconte surtout l’histoire d’une impitoyable vengeance féminine :
L’une de ces femmes, faussement complice, dont la petite histoire nous est révélée au fur et à mesure, via l’habituel dispositif du montage alterné (le film fait des allers-retours entre la fin et le début).
Et l’autre… qui n’est qu’un mystère insondable.
Tous les actes que commet le fascinant personnage de Marine Vacth sont autant d’indices de ses blessures, de sa force herculéenne (littéralement), de sa détermination incommensurable, et ne font que que confirmer sa vraie nature.
Et malgré tout, personne ne veut Voir, personne ne veut savoir, tous écoutent ce qu’elle dit sans réussir à en extraire le moindre fait réel (ce qui s’y raconte n’est pas raccord avec ce qu’on y entraperçoit).
–
Donc tous ceux voulant la contrôler ou la protéger ne peuvent que perdre. Le suspense ne repose que sur elle, et rien d’autre. Une sorte de néo-femme fatale, au regard dur, descendante des Barbara Stanwyck et Linda Fiorentino… mais sans aller complètement vers le Polar le plus noir, excessif et sanglant (à part une scène sous GHB, ainsi qu’un coup de feu qui va très loin dans la prise de risques).
C’est peut-être aussi ce dernier point qui peut décevoir dans ce film : un côté timoré, pas assez rapide et tranchant, pas assez monstrueux (mais tous les personnages principaux n’y sont pas unidimensionnels, ils sont chacun construits avec diverses failles)… Et l’envie de ne pas aller vraiment plus loin dans la méchanceté – par peur de passer pour misogyne ? misandre ? L’histoire s’étant ensuite montré fatalement prémonitoire pour Bedos…
–
Reste un sentiment bizarre : le fait que, formellement, ce film ne ressemble pas du tout à un quatrième film, mais à un premier.
Scolaire, bien léché, lent, se cherchant un rythme, utilisant des comédiens dans des rôles trop évidents – combien de fois Pierre Niney a joué les Rastignac criminels ? François Cluzet les petits bourgeois ronchons ? Isabelle Adjani elle-même en « folle du théâtre » ?
Certes ils ont donc droit à quelques petites nuances un peu rafraîchissantes, telle une Adjani souvent véloce dans ses mouvements (mais c’est pas non plus « Tout feu, tout flamme ») ou bien avec les oreilles apparentes… C’est cependant trop bref, trop classique, dénué du moindre contre-emploi surprenant. Paradoxalement, une ambiance « de vieux », dans un film aux audaces plus rares (la scène où Niney jalouse les scènes de tendresse qui se seraient passées dans un appartement).
Là où la carrière de Bedos réalisateur a débuté de façon inverse, avec un « Monsieur et Madame Adelman » parlant avec maturité du temps qui passe, tout en jouant mieux avec l’image de ses comédiens, et en ayant de jolies idées formelles bien travaillées (et encore plus pour « La Belle Époque »).
–
Est-ce de la paresse pour le réalisateur ? La difficulté des tournages pendant la pandémie ? Il n’empêche que dans ce « Mascarade », tout ce qu’on devrait ressentir à la fin pour ces personnages, ce n’est pas de la détestation cathartique, mais plutôt de la peine, de la tristesse…
Pour ceux qui se sont fait trahir, et on loupé l’occasion d’être pleinement heureux.
Et pour ceux qui ont gagné sur tous les tableaux (!), car ils se sont résolus à tromper tout le monde.
–
Nicolas Bedos déploie peut-être une filmographie à la Benjamin Button, qui rajeunit naïvement de l’extérieur, et se rigidifie amèrement de l’intérieur.
Manifestement un film en forme de défi, pas facile à faire aboutir ? – ratiboisé de 13 minutes après son passage à Cannes, ce qui n’était pas encore suffisant peut-être…
Car il ne pouvait y avoir qu’une incompréhension entre le comique acide d’un Bedos, fils de son père, identifié comme tel par l’ensemble du public connaisseur… et un sujet qui semblait se présenter comme une charge östlundienne contre les riches hypocrites, mais qui aurait pû être plus dynamique.
Mauvaises extrapolations analytiques que voilà, Nicolas Bedos ne se risque pas à ce type d’exercice satirique pouvant facilement flirter avec de la fumisterie arty (pour les spectateurs, pas pour les personnages).
En fait, l’ironie est surtout dans le titre du film, qui ne correspond pas du tout à ce qu’on voit : car « Mascarade » est un film qui évolue à visage découvert, ne cache pas vraiment ses tenants et aboutissants.
Sur cette grande pièce de théâtre niçoise (qui comporte elle-même ses propres scènes théâtrales – dont une cour de justice), les masques sont bel et bien révélateurs, les menteurs et parjures suprêmes surpassent tous les petits joueurs, et la règle qu’avait jadis établi Jean Renoir n’a pas changé.
Mais même en citant Somerset Maugham, ce n’est donc pas d’une opposition entre riches et pauvres, vieux et jeunes, dont on parle ici… Puisque Bedos continue à explorer son thème de prédilection, la lâcheté masculine. Et nous raconte surtout l’histoire d’une impitoyable vengeance féminine :
L’une de ces femmes, faussement complice, dont la petite histoire nous est révélée au fur et à mesure, via l’habituel dispositif du montage alterné (le film fait des allers-retours entre la fin et le début).
Et l’autre… qui n’est qu’un mystère insondable.
Tous les actes que commet le fascinant personnage de Marine Vacth sont autant d’indices de ses blessures, de sa force herculéenne (littéralement), de sa détermination incommensurable, et ne font que que confirmer sa vraie nature.
Et malgré tout, personne ne veut Voir, personne ne veut savoir, tous écoutent ce qu’elle dit sans réussir à en extraire le moindre fait réel (ce qui s’y raconte n’est pas raccord avec ce qu’on y entraperçoit).
Donc tous ceux voulant la contrôler ou la protéger ne peuvent que perdre. Le suspense ne repose que sur elle, et rien d’autre. Une sorte de néo-femme fatale, au regard dur, descendante des Barbara Stanwyck et Linda Fiorentino… mais sans aller complètement vers le Polar le plus noir, excessif et sanglant (à part une scène sous GHB, ainsi qu’un coup de feu qui va très loin dans la prise de risques).
C’est peut-être aussi ce dernier point qui peut décevoir dans ce film : un côté timoré, pas assez rapide et tranchant, pas assez monstrueux (mais tous les personnages principaux n’y sont pas unidimensionnels, ils sont chacun construits avec diverses failles)… Et l’envie de ne pas aller vraiment plus loin dans la méchanceté – par peur de passer pour misogyne ? misandre ? L’histoire s’étant ensuite montré fatalement prémonitoire pour Bedos…
Reste un sentiment bizarre : le fait que, formellement, ce film ne ressemble pas du tout à un quatrième film, mais à un premier.
Scolaire, bien léché, lent, se cherchant un rythme, utilisant des comédiens dans des rôles trop évidents – combien de fois Pierre Niney a joué les Rastignac criminels ? François Cluzet les petits bourgeois ronchons ? Isabelle Adjani elle-même en « folle du théâtre » ?
Certes ils ont donc droit à quelques petites nuances un peu rafraîchissantes, telle une Adjani souvent véloce dans ses mouvements (mais c’est pas non plus « Tout feu, tout flamme ») ou bien avec les oreilles apparentes… C’est cependant trop bref, trop classique, dénué du moindre contre-emploi surprenant. Paradoxalement, une ambiance « de vieux », dans un film aux audaces plus rares (la scène où Niney jalouse les scènes de tendresse qui se seraient passées dans un appartement).
Là où la carrière de Bedos réalisateur a débuté de façon inverse, avec un « Monsieur et Madame Adelman » parlant avec maturité du temps qui passe, tout en jouant mieux avec l’image de ses comédiens, et en ayant de jolies idées formelles bien travaillées (et encore plus pour « La Belle Époque »).
Est-ce de la paresse pour le réalisateur ? La difficulté des tournages pendant la pandémie ? Il n’empêche que dans ce « Mascarade », tout ce qu’on devrait ressentir à la fin pour ces personnages, ce n’est pas de la détestation cathartique, mais plutôt de la peine, de la tristesse…
Pour ceux qui se sont fait trahir, et on loupé l’occasion d’être pleinement heureux.
Et pour ceux qui ont gagné sur tous les tableaux (!), car ils se sont résolus à tromper tout le monde.
Nicolas Bedos déploie peut-être une filmographie à la Benjamin Button, qui rajeunit naïvement de l’extérieur, et se rigidifie amèrement de l’intérieur.
J’ai beaucoup aimé ce film lorsque je l’ai vu en salles, personnellement. A la base, je ne suis pas amateur de Nicolas Bedos (de l’époque de ses chroniques TV), mais j’ai adoré « Mr et Mme Adleman », beaucoup aimé « La belle époque », et encore beaucoup aimé « Mascarades ». Et j’avais bien aimé « Amour et Turbulences » dans son genre aussi, dont il était le scénariste. Autant dire que pour moi, sa carrière ciné est pour le moment une réussite (je n’ai pas encore vu son OSS).
Le cinéma est la pour nous divertir et pas forcément nous faire réfléchir, et j’ai été diverti.
Quand à cette critique à charge, il suffit de regarder le profil du critique lui même…. Ne pas aimer usual suspect montre qu’on a vraiment pas les mêmes goûts.
On a pas dû voir le même film, mais surtout on sent de l’émotion malsaine dans votre critique. C’est quoi ? vous détestez Bedos? Moi aussi, mais j’ai bien aimé ce film. Cynique, subversif, j’ai adoré. Et Marine Vacth, un régal. Les paradoxes que vous décrivez montrent surtout que vous n’avez rien compris. Hollywood aurait fait ce film, bizarrement, je parie que votre jugement aurait été différent… De mon côté, à la différence de vous qui cherchez à ramener le Monde à votre cause, je précise que mon avis n’engage que moi.
je n’ai pas vu le temps passer pendant ces 2H! Scénario ou montage alambiqué, ok, mais je me suis régalé !
Gros bémol: Adjani, au visage figé, paralysé, incapable d’articuler une phrase,
et François Cluzet, , toujours aussi mauvais… il ne sait faire que que du Cluzet……..lassant!
Pas le chef d’oeuvre du siècle, Allez voir, c’est assez jubilatoire…moi j’aime bien quand le réalisateur nous roule un peu dans la farine! se faire berner par le cinéma;;;;;! c’est DU CINEMA
Comparable à la grande bouf.
Guy et Nicolas Bedos, même combat.
Excellent François Cluzet.
Ce n’est malheureusement pas donné à tout le monde d apprécier ce film compliqué mais excellent un peu comme la lecture de Proust. Nicolas Bedos y embrouille intelligement et volontairement le pauvre spectateur qui parfois se perd. Tant pis pour lui, c,est un super divertissement qu’il rate ! J’attends avec impatience le prochain film d’un Bedos bourré de talent
Autobiographique de la part des stars françaises.
La qualité des acteurs ne fait pas tout. Ce film nous montre un microcosme à vomir : l’alcool, les joints, le sexe, les trahisons, pire encore, l’avilissement de la femme, et de l’homme. Certains aimeront, moi non ! je ne recommande pas du tout.